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mines & carrières 223 - mars 2015

 

Les crues de type méditerranéen se produisent à l’automne depuis des siècles. L’exemple de Nîmes montre qu’il est possible de s’adapter à l’urbanisation existante et de protéger les hommes et les biens. en premier, on redonne l’espace suffisant aux cours d’eau dont les débits explosent pendant quelques heures. en complément, les excavations de carrière absorbent les débordements en amont des lieux urbanisés.

 

Les crues « cévenoles » (on pourrait dire méditerranéennes) sont hélas devenues un marronnier de l’actualité française. En octobre-novembre, on cite telle ou telle vallée avec une ou plusieurs communes ravagées par les eaux, éventuellement la nuit. Les causes sont multiples :

  • urbanisation qui n’interdit pas de construire sur les terrains inondables ;
  • imperméabilisation trop importante des sols urbains et rejet simultané et trop immédiat des eaux de pluie dans les réseaux, donc les rivières ;
  • restriction trop importante du libre cours des petites rivières qui deviennent d’importants torrents ;
  • aménagement des sols agricoles qui facilite le ruissellement au lieu de l’absorption des précipitations par les sols.


Le district Méditerranée de la Sim a organisé une journée technique sur les “inondations cévenoles” et le recours aux excavations de carrière afin de limiter les dégâts.

Les crues éclairs

Premier intervenant, Bernard Vayssade, enseignant à l’École des mines d’Alès, définit et explique les crues éclairs. La très grande majorité des crues éclairs sont des précipitations importantes de pluie, pour le littoral méditerranéen français. Ailleurs, il peut s’agir de fonte des glaces (type Sibérie) ou des neiges (en montagne, y compris européenne ; par exemple, Lourdes en 2013) accompagnées de pluies soutenues. En France métropolitaine, la notion de forte précipitation correspond à plus de 80mm en 24 heures ; c’est le grand sud méditerranéen. Les crues éclairs concernent souvent des bassins versants inférieurs à 40 km2. Il existe des sortes de compensation des précipitations : plus elles sont intenses, plus le territoire est petit ; plus la quantité d’eau de pluie est importante, plus elle s’étale dans le temps. La saisonnalité correspond à la fin de l’été, lorsque la température de l’eau de mer a monté. Une étude menée sur un site catalan espagnol a permis d’y reconstituer un historique des crues depuis le début du XIVe siècle. On note deux périodes “très arrosées” vers 1600/1650 et autour de 1850, pendant environ 60 années chacune. Par contre, le XXe siècle se situe un peu en dessous de la moyenne.

Aux grands maux de 1988, plusieurs remèdes

Vincent Altier, du Service pluvial à la mairie de Nîmes, a expliqué les aménagements hydrauliques effectués à la suite des grandes crues de 1988. Il a rappelé plusieurs très grandes crues : voir encadré. Il décrit le territoire de Nîmes comme « un entonnoir », la convergence de plusieurs cours d’eau en 5 bassins versants. La ville ancienne était construite entre les cadereaux d’Alès et d’Uzès ; l’extension urbaine a franchi de nombreux cadereaux en restreignant leurs possibilités d’écoulement des eaux. La particularité des inondations réside aussi dans la vitesse des cours d’eau quand ils débordent dans la ville : jusqu’à 9 m/s. Les précipitations record de 1988 ont été estimées à 14millions de m3 d’eau, ce qui correspondait à 420 mm durant 8 heures. Si la porosité du karst retire environ 4 millions de m3 aux eaux de surface, il reste 10 millions de m3 d’eau en ville. À la suite du 3 octobre 1988, une commission d’experts a travaillé afin de définir des travaux et des aménagements à réaliser : le programme Cadereau. Toutes les solutions imaginables ont été envisagées : barrages en amont, tunnels de contournement souterrain associés à des bassins en aval, augmentation des écoulements naturels, etc. Le 10 septembre 1993, le préfet du Gard déclarait d’intérêt général les travaux de PPCI de la ville de Nîmes, Plan de protection contre les inondations. L’ensemble des projets retenus se montait à 192 M€ dont 165 M€ pour la ville (valeur 1999). Il s’agissait :

  • de créer 21 bassins de rétention situés en amont de la ville, pour une capacité de stockage de 800 000m3, dont l’adaptation de la carrière de Caveirac,
  • de créer quatre bassins situés en aval de la ville, pour une capacité de stockage de 635 000m3, et
  • d’aménager 20 km du cours des cadereaux afin de limiter ponctuellement leurs débordements.

Caveirac, carrière de retenue des crues

Pascal Barylo, de la société GSM, présente la carrière de Caveirac exploitée depuis des années et située côté ouest de Nîmes. L’ancien élève de l’École des mines d’Alès avait vu les effets des inondations du 3 octobre 1988. Dès février 1992, un accord de principe fut conclu entre les communes de Nîmes et de Caveirac et l’exploitant de la carrière, dans le cadre du projet de PPCI. Il s’agissait d’aménager le cadereau du Rianse et ses affluents qui longent la carrière. En cas de crue, une partie des eaux est détournée vers l’excavation de la carrière afin de limiter les dégâts en aval, notamment en protégeant la zone d’activités économiques de Saint-Césaire qui accueille une cinquantaine d’entreprises. Les travaux ont été lancés en novembre 2000 par GSM et achevés en 2002, « le jour où il s’est mis à pleuvoir », précise Pascal Barylo. La configuration en exutoire temporaire de crues impose de préparer des stocks de matériaux qui permettent de livrer les commandes lorsque l’excavation est plus ou moins remplie par les eaux de crue. Les aménagements comprennent un dispositif de pompage au débit minimal de 150m3/h sur une hauteur de 50 mètres. Ce dispositif vide le bassin de retenue suffisamment rapidement pour qu’il soit à nouveau opérationnel en cas de nouvelle crue, et qu’il redevienne le site d’exploitation de la carrière. À la fin de l’exploitation de la carrière, le terrain et les installations de pompage seront rétrocédées à la ville de Nîmes. L’ouvrage a fonctionné en 2002, 2003 et 2005 pour accueillir respectivement 500 000, 750 000 et 1 million de m3 d’eau. La capacité d’accueil à terme atteindra 1,5 million de m3. Aucune inondation n’a été déplorée dans la zone d’activité de Saint-Césaire. En 2003, les deux pompes ont travaillé pendant trois semaines afin d’évacuer les 750 000m3.

Aux grands maux de 2002/2005, des remèdes complémentaires

Suite aux inondations de 2002 et de 2005, la population est agacée et les autorités locales créent un Papi, Programme d’actions de prévention contre les inondations. Les deux journées de septembre 2005 montrent qu’un karst à sec absorbe une part significative des précipitations, durant la première journée. Mais quand il est plus ou moins rempli, la seconde journée de précipitation se produisant le surlendemain, les cadereaux débordent. L’objectif des travaux est de pouvoir gérer des précipitations de 260 mm en 19 heures sur un karst saturé. Deux types de travaux sont réalisés. Pour ce qui concerne les cours d’eau, prenons l’exemple du cadereau d’Alès. Les anciennes buses absorbaient un débit de 25m3/s. Les nouvelles offrent 117m3/s, tout en laissant circuler un peu d’air, donc sans être sous pression. Et comme l’eau atteint des vitesses de 8 à 9 m/s dans les cadereaux, les ouvrages sont réalisés en bétons à haute performance très ferraillés. Des bassins de temporisation des flots ont été réalisés en amont afin de compléter l’augmentation du débit de cadereaux canalisés de façon souterraine dans le tissu urbain nîmois. Les sites les plus efficaces sont des carrières, mais on n’envisage pas d’ouvrir des carrières dont la fin principale serait de gérer les crues, bien évidemment. Rodolphe Salles, expert au bureau d’études ATDx, remarque que « l’intérêt de développer des carrières en vue d’atténuer les effets des crues demande une pré-étude détaillée, puis une concertation avec les collectivités locales et enfin le montage des dossiers de demande d’autorisation. » Il précise que « deux sites sont utilisés sur l’agglomération de Nîmes. La carrière d’Aigues-Vives peut recevoir plusieurs centaines de milliers de m3. » Le projet de bassin des Antiquailles peut absorber 100m3/s qui n’affecteront pas la ville.

Pascal Graindorge

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